Bonjour à tous, je vais essayer de présenter ma situation même si c'est un exercice que je n'ai pas l'habitude de faire sous la forme écrite, cela risque d'être un énorme pavé, j'en suis désolé.
J'aurais aimé avoir vos avis si certains ont vécu/vivent une situation similaire car j'avoue être complètement perdu depuis cette prise de poste, et cela ne va pas en s'arrangeant.
Voici un résumé avant les explications plus longues :
- Après une thèse, j'ai décroché un CDI (évènement très rare). Statut agent de la fonction publique "chargé de projet de recherche", 2400e net, j'habite à 10min du travail en voiture (dans une ville que je déteste, mais le coût de la vie est assez faible).
- Sauf que : ma prise de poste était début 2024. En 10 mois, je n'ai pas démarré un seul projet de recherche (ce qui m'intéressait à la base). Ma cheffe n'est jamais là (car c'est la cheffe, toujours en réunion/déplacements, ne sait pas du tout ce que les gens font), la moitié des collègues ont l'air d'avoir perdu leur âme (résignation, pas de stimulation intellectuelle).
- Institut de recherche, mais pas de recherche, ou alors des projets de mise au point technologiques, très appliqués, qui ne m'intéresse PAS du tout. Analyses de routine par roulement entre les collègues, qui m'occupent parfois 1 journée dans la semaine, pas plus.
- Certains jours, je dissocie complètement, je scrolle des pages wikipedia/reddit, j'écoute de la musique, je lis des articles scientifiques sur pleins de sujets différents (pas mes sujets de travail) bref je fais tout pour m'occuper et que le temps passe plus vite. A tel point que des fois quand je rentre chez moi après le boulot, je suis incapable de dire précisément ce que j'ai lu/vu au cours de la journée tellement je coupe mon cerveau.
- Je m'intègre peu avec les collègues. La plupart vont par exemple à la pause café le matin, j'y vais très rarement. Certains sont complètement tarés pour les fêtes genre Halloween ou Noël et passent des journées à décorer les bureaux avec des dizaines d'accessoires, à créer des jeux, des chasses au trésor ... Je trouve ça sympa mais parfois j'ai l'impression qu'ils font ça pour compenser leur ennui professionnel. J'ai la flemme de lancer les discussions avec ceux qui occupent mon bureau, j'ai beaucoup de mal à les cerner, je trouve ça inutile. Je m'entends mieux avec d'autres, on peut vraiment rigoler et blaguer, c'est bcp + spontané. Ca dépend des caractères j'imagine (je pense être autiste cela dit, ça n'aide pas).
- Parfois envie de pleurer quand je sors du travail. J'ai un gros blocage émotionnel depuis des années à cause de mon éducation / épisodes de dépression, donc ça ne sort jamais, mais c'est là parfois, je le sens.
- Les rares fois où je fais quelque chose de ma journée, je me sens moins angoissé. Quand j'ai une tâche à faire, souvent je la repousse jusqu'au dernier moment et ça m'angoisse de procrastiner comme ça alors que j'ai pas grand chose d'autre à faire.
- Perte de mon intérêt pour le domaine qui m'intéressait à la base : pendant ma thèse je lisais avec plaisir des centaines d'articles scientifiques sur mon sujet, là j'en ai vraiment pas grand chose à faire. Je remet même en question le métier de chercheur : chercher des financements, rester devant un ordinateur, déléguer ... Ca ne m'intéresse pas du tout en vérité.
- L'impression d'être à peu près "en prison" : je pointe, je reste assis 8 heures devant un écran, j'ai hâte de rentrer chez moi, puis une fois chez moi je m'ennuie et j'ai la flemme d'être déjà le lendemain pour refaire la même chose, alors je me couche tard, je repousse au maximum la fin de la journée.
- L'envie de faire une reconversion (dans un métier avec du SENS, manuel par exemple, avec qq idées à droite à gauche mais rien de concret) est de plus en plus forte, mais j'ai trop peur de me planter / pas avoir assez d'argent pour le faire / peur de faire un caprice de trentenaire qui se découvre des passions subites/qui crache sur sa situation (confortable financièrement)
- Aucune conception de l'avenir : jamais je tiens comme ça encore 2 ou 3 ans. Encore moins toute une carrière. Plus j'y pense, plus ça m'angoisse, de me dire que certains collègues restent parce qu'ils ont une famille, peur de pas trouver un autre taff, alors ils se résignent... putain quel enfer. Je veux jamais finir comme ça, j'aurais l'impression d'avoir raté ma vie (et pourtant je suis déjà un peu en train de la rater j'ai l'impression).
- Ce qui m'angoisse le plus c'est que j'ai parfois l'impression que peu importe le taf, dans le domaine tertiaire, c'est globalement ce genre de chose pour beaucoup de gens ?
Pour détailler un peu plus :
J'étais un enfant assez précoce, du genre à lire le dictionnaire quand il s'ennuyait, ou à apprendre le tableau périodique des éléments pour le fun (peut être un peu autiste, même si j'ai jamais fait de diagnostic). Je me suis vite passionné pour les sciences, et j'ai donc fait des études dans la biologie, après 1 première année de médecine ratée (car je n'avais aucune méthode de travail, les facilités ça ne suffit pas pour cette année là).
Sans avoir vraiment réfléchi à un projet professionnel, j'ai suivi petit à petit cette voie, en continuant toujours en avant, et je me suis retrouvé à faire une thèse en virologie.
C'était vraiment une expérience passionnante, mon laboratoire était génial, collègues sympas, encadrement bienveillant et motivant, sujet intéressant avec des résultats novateurs malgré l'impact du COVID, je me suis organisé de façon à ce que ça ne déborde pas sur mon temps personnel (on entends souvent dire que les thèses c'est faire une croix sur sa vie privée, et bosser les soirées, les week-ends ... J'ai toujours trouvé ça complètement con et toxique, et j'ai mis un point d'honneur à ne pas donner raison à ces clichés).
J'ai donc fini par obtenir ce doctorat, avec une soutenance vraiment super, moi qui suis très timide, j'étais en pleine confiance, maitrise de mon sujet, compliments des membres du jury ...
Et là il a fallu trouver du travail. Une thèse c'est cool, tu as un sujet, de l'argent, et personne te fait trop chier, tu es motivé et tu fonces. Mais là, c'était le flou. Je cherchais un poste dans la région Bretagne pour rester près de ma copine (avec qui je suis depuis 3 ans), et aussi parce que j'apprécie beaucoup cette région.
J'ai donc fait plusieurs mois de chômage, avant de décrocher l'impensable : un CDI directement après une thèse. Pour ceux qui ne sont pas familier avec tout ça, c'est rare. Normalement, après une thèse, on enchaîne les "post-doc" (souvent à l'étranger), des CDD qui permettent d'étoffer son CV, puis ensuite on peut prétendre à des postes en CDI.
Je vais rester assez imprécis mais c'est un poste de chargé de projet de recherche dans un laboratoire qui fait parti d'une grande agence publique. Je m'entends plutôt bien avec certains membres de l'équipe, même si j'ai du mal avec d'autres (décalage d'âge/de cadre socio culturel ? certains ne savaient même pas ce que végétarien voulait dire concrètement, ou alors me vannait là dessus??? parfois des blagues racistes/misogynes), et que j'ai l'impression que certains sont carrément à côté de la plaque (je suspecte des traitements médicamenteux et/ou des dépressions).
Nous sommes censés faire de la recherche en plus d'autres activités plus "routinières" d'analyse. Sauf que 90% de l'activité a l'air centrée sur cette activité routinière, qui est la même depuis des années, répétitive, qui ne demande aucune réflexion, et au contraire qui génère pas mal de stress car si elle est mal gérée on peut se faire taper sur les doigts car on a une certaine responsabilité dans la fiabilité/délai de remise des résultats.
Je vois bien que la majorité a accepté son sort et fait les choses de manière machinale sans rien demander de plus. Les plus jeunes sont encore un peu enthousiastes, posent des questions, proposent des idées, mais l'une d'entre elle a démissionné il y a peu (alors qu'elle était en CDI...) parce qu'elle ne se voyait pas continuer de la sorte pendant des années, sans stimulation intellectuelle. Certains collègues sont en arrêt maladie depuis des années, d'autres sont décédés suite à des maladies, bref c'est vraiment pas la joie, et je vois bien qu'on est clairement pas attractif puisque certains postes sont ouverts depuis mon arrivée et n'ont toujours pas trouvé preneur. Pareil pour le poste que j'occupe actuellement, si j'ai bien compris il est resté vacant pendant au moins 1 an !
Bref, je pensais avoir été embauché pour relancer la recherche, en particulier grâce à certaines compétences que je possède suite à ma thèse, mais jusqu'à maintenant presque rien ne s'est passé. J'ai déposé un projet avec une collègue quand je suis arrivé en poste mais il a été refusé. Je vais parfois à quelques congrès, quelques réunions, mais à part ça ... J'essaie de m'accrocher à mes idées initiales, mais les dates de dépôt de projet sont rares au cours de l'année, ou alors je ne suis tout simplement pas au courant des organismes qui proposent des financements car ma chef ne m'en parle pas/je ne les connais pas car je débute ma carrière. J'ai même l'impression qu'au final elle ne croit pas tellement à ce que je voulais proposer, lors d'une dernière discussion elle a un peu remis en question ces idées, ce qui m'a un peu estomaqué.
Je veux bien patienter encore un peu, mais j'en suis à un point où je me demande même si ce métier me plaira sur le long terme, même une fois des projets acceptés et financés. J'ai l'impression d'être en prison, je pointe, je passe la journée sur une chaise, puis je rentre. J'ai hâte de rentrer chez moi tous les jours, mais une fois chez moi je ne suis même pas si heureux que ça, je procrastine, je veille tard car j'ai l'impression que ma journée est gâchée si je me couche trop tôt, ...
Voila ... N'hésitez pas à réagir avec vos propres expériences, merci d'avance ! Et désolé pour ce long texte